Interview revue DANSE LIGHT

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Non classé

INTERVIEW DE A. CATEL revue « DANSE LIGHT » Août 1998

Gianin LORINGETT est Suisse, né en 1948, il a travaillé en qualité de danseur, professeur, chorégraphe, en majeure partie à Zurich, Paris, Londres, Nice, Barcelone, Torino, Tokyo, ….. mais il est aussi invité régulièrement sur d’autres pays pour différentes manifestations.
Il fait des études aux Beaux-Arts en Suisse, se passionne pour la musique, démarre la danse dans la petite école de Romy Raas-Bickel, puis part à Londres se former en danse jazz avec Matt MATTOX pendant 5 ans. Outre l’excellent enseignement de ce maître (qu’il assistera à la fin de ses études), il en profite pour approfondir d’autres disciplines telles que la danse classique , moderne (technique Graham), la danse espagnole, afro-cubaine, les claquettes, diverses techniques en danse jazz ( Luigi, Jo-Jo SMITH, Lenny DALE , Claude THOMPSON, Talley BEATTY) avec professeurs et chorégraphes de renom.
Sa carrière d’artiste démarre avec l’engagement dans  » JAZZART DANCE COMPANY  » dirigée par Matt Mattox à Londres et à Paris, et tout le reste s’ensuivra : dans  » Tannhauser  » production en Allemagne chorégraphe John Neumeier,  » West Side Story  » (Europe tour) où il interprète le rôle de Diesel et double celui de Riff, le cabaret à Barcelone, à Paris au Paradis Latin direction J-M Rivière,  » La
Fugue  » comédie musicale dirigée par Alexis Weissenberg,  » Magic Show  » avec V.Upshaw, les Festivals d’Opéra de Bayreuth, Zaragoza ……, la télévision dont les productions marchaient fort à PARIS avec les Carpentier, Sylvie Vartan,  » L’Enfant Divin  » spectacle pour le Festival de Musique Sacrée de Nice dirigé par Pierre Cochereau et Rosella Hightower, la mode, le cinéma (metteurs en scène M.Lang, M.Jakim, Arcadi…) à Paris et aux Studios de la Victorine à Nice.

Ces expériences professionnelles font mûrir en lui un talent de créateur qui l’incite à aller vers la chorégraphie, à développer une liberté d’expression vers la sensation, l’impulsion du quotidien 
: » Le mouvement en lui-même ne m’intéresse pas, c’est l’intention du mouvement qui me motive ; l’intention peut être provoquée par une thématique, une émotion ou simplement par la musique. Chaque musique est unique, a une coloration spécifique, une odeur différente. Il faut visualiser, sentir, …. Hélas on n’utilise jamais tous nos sens ; il faut les inverser pour les réveiller et mieux comprendre. Danser, c’est aussi voir la musique et écouter la danse.

« Quelles ont été vos étapes les plus marquantes dans la création chorégraphique » ?
Parmi mes premières expériences, une chorégraphie préparée pour une candidate au Concours de Lausanne qui a obtenu le 1er Prix Moderne : cela m’a encouragé à songer sérieusement à la chorégraphie. Là-dessus, j’ai enchaîné avec le Festival de Musique Sacrée de Nice, la Compagnie Big Bazar de Michel Fugain, la comédie musicale  » Attention fragile  » pour A.Duperey et B.Giraudeau,  » Tupac Tosco  » une vision chorégraphique de l’Argentine, des comédies musicales pour enfants à Paris et à Nice,  » Christmas  » comédie musicale sur Noël à Bologna,  » Trouble in Tahiti  » sur une musique de L.Bernstein, commande du Grenier de Bourgogne pour une tournée en France, ……..

De nombreuses pièces de chorégraphie, des comédies musicales, où j’ai eu à diriger tour à tour danseurs, comédiens, musiciens, avec un immense plaisir ; je cherche à mettre en valeur l’artiste, chacune de mes chorégraphies est élaborée selon un contexte et dans une écriture spécifique qui rend chaque œuvre différente de l’autre.

Lorsque j’ai créée ma compagnie  » OFF JAZZ DANCE COMPANY  » à Paris, je voulais présenter au public diverses facettes de la danse jazz, synthèse d’une recherche personnelle sur les influences ethniques (espagnole, indienne, afro-cubaine, latine, …….). Les ballets  » Kongas  » (africain),  » Rolando  » (argentin),  » Tandava  » (indien), en sont une illustration marquante.

« Qu’est-ce qui vous a amené à enseigner » ?
A la base, j’aime transmettre , guider les danseurs et les aider dans leur évolution artistique. Avec la compagnie, l’enseignement me paraissait indispensable pour développer la polyvalence de l’interprète :il doit répondre à la diversité des styles de danse tout en gardant sa personnalité. Ce qui a permis à de jeunes danseurs tels que Georgette Kala-Lobé, Annatina Hug, Claude Coldy, Serge Ricci, Patrice Valéro,Géraldine Armstrong,…… et plusieurs autres encore dans les années suivantes, de confirmer leurs qualités d’artiste à travers le répertoire de la compagnie  » OFF JAZZ  » souvent en tournée en Europe .Des danseurs représentatifs de la danse jazz, ayant une grande faculté d’adaptation,une formidable cohésion entre eux, une beauté et une puissance du geste…..Ce sont les points positifs que je recherche en tant que chorégraphe et que, précisément, je m’efforce de développer, avec la technique, dans mon enseignement.

Professeur pendant de nombreuses années à Paris, Zurich, Cannes, le Centre de Formation en Danse que je dirige à Nice me donne un pôle fixe d’activité et la possibilité de répondre à des demandes de collaboration venant de l’étranger
(stages, festivals, colloques, chorégraphies, ….).

Des expériences de l’enseignement, multiples et riches à la fois, qui m’ont amené à une vision globale du jazz vers une synthèse personnelle de la pédagogie.

« Quelles sont vos préoccupations dans la formation des danseurs » ?
La danse jazz n’étant pas codifiée comme la danse classique, elle nécessite une réceptivité du corps à la pulsation de la musique, à la fois organique et émotionnelle. C’est ce que l’on appelle le  » feeling « . Dans l’absolu, on peut devenir un danseur classique par une logique mathématique, en jazz, c’est impossible, en raison de l’adaptation constante liée au mouvement assez libre du corps dominant cette forme d’expression .

Le jazz est, pour moi, un langage, une conscience du corps, une sensibilisation aux cultures, une expérience rythmique, l’expression des émotions, la communication aux autres et le sens du groupe, l’évasion hors du quotidien.En même temps, il me semble normal que les jeunes s’expriment à travers le funk et le hip-hop : c’est leur façon de communiquer, leur code, leur langage, dont le professeur peut se servir pour comprendre, conseiller, mettre en confiance la génération actuelle. La danse jazz est une réalité pédagogique parce que reflet des réalités de la vie sociale. Mais c’est insuffisant, car cette approche donne, en résultat, des danseurs certes bien dans un style, mais la technique n’est elle pas seulement 50% de leur formation ?Combien de chorégraphes regrettent le manque d’intériorité, de participation créative, de sensibilité artistique, de personnalité, de curiosité, et d’intérêt pour les autres formes d’art.Je ne peux qu’encourager les jeunes qui envisagent ce métier, en les incitant tout de même à suivre une solide formation polyvalente, avec une ouverture sur le monde et les arts en général.

« Comment concevez-vous cette ouverture sur le monde » ?
Déjà dans la culture qu’un professeur saura apporter dans ses cours : éléments historiques, expériences scéniques vécues, connaissances musicales, les techniques et les styles, le répertoire, …….. .Mais aussi par d’autres moyens technologiques actuels, par exemple, le multimédia.J’ai développé un site web  » danse  » sur internet proposant services et documentations diverses ( http://www.offjazz.com ), afin de répondre à une demande internationale. Mes objectifs seraient de mettre à disposition des élèves en études professionnelles du
Centre, deux postes internet pour leur permettre une initiation, tout en leur donnant accès aux informations concernant le marché de la danse (offres d’emploi, auditions, informations sur les compagnies, documents pédagogiques, ….) et les contacts avec d’autres danseurs à l’étranger.En conclusion, les danseurs ont de nos jours, des possibilités étonnantes pour se former et pour évoluer (Centres de Formation, Conservatoires, Compagnies implantées, Subventions, Documents vidéos, Festivals, Spectacles, …….) .Si je peux donner un conseil personnel aux jeunes qui envisagent ce métier Il ne faut pas seulement suivre des cours de danse, mais faire des études en danse, et les terminer ! A.CANTEL